Glace et anti-inflammatoires, utiles ou nuisibles à la guérison?

Glace et anti-inflammatoires, utiles ou nuisibles à la guérison?

Depuis des décennies, on nous répète qu’il faut appliquer de la glace dès qu’une douleur apparaît, comme dans le cas d’une entorse de cheville ou un doigt coincé dans une porte. Le réflexe est immédiat : sortir le sac de glace du congélateur. Mais la science moderne remet en question cette habitude. Est-ce que la glace et les médicaments anti-inflammatoires (AINS) aident réellement à guérir… ou freinent-ils la récupération?

Qu’est-ce que dit la recherche?

Depuis quelques années, les études remettent de plus en plus en question l’utilisation de modalités anti-inflammatoires en phase aiguë. En effet, un nouvel acronyme est désormais proposé afin de vous guider dans la gestion d’un trauma musculosquelettique aigu : le PEACE & LOVE. Présenté par les physiothérapeutes et chercheurs Blaise Dubois et Jean-François Esculier en 2019 dans le British Journal of Sports Medicine (Dubois B, Esculier J-F. Br J Sports Med. 2020;54:72–73), cet acronyme a pour but de guider la gestion immédiate (PEACE) et celle des jours qui suivent la blessure (LOVE). Consultez l'article : La clinique du coureur

PEACE : immédiatement après la blessure

  1. Protection : limiter les activités qui causent trop de stress et augmentent la douleur dans la zone blessée;
  2. Élévation : l’élévation du membre blessé au-dessus du niveau du cœur, lorsque possible;
  3. Anti-inflammatoires à éviter : s'abstenir de prendre des anti-inflammatoires et d'appliquer de la glace;
  4. Compression : l'élévation combinée à l’utilisation d’un bandage compressif, permet de diminuer l’enflure;
  5. Éducation : prendre le temps de s’informer sur les étapes normales de guérison de cette blessure ainsi que sur les actions qui peuvent la faciliter ou y nuire. À cet effet, un physiothérapeute est un professionnel en accès direct, à même de vous informer et de vous aider dans ces étapes.

LOVE : la récupération après la blessure

Ensuite, selon la gravité de la blessure, le physiothérapeute pourra également vous indiquer à quel moment commencer le LOVE. En effet, le retour aux activités significatives et au mouvement est très important pour la guérison des tissus.

  1. Load : graduer la charge imposée au tissu blessé sans intensifier la douleur ou le gonflement;
  2. Optimisme : la guérison prend du temps, il est important de rester positif, optimiste et constant;
  3. Vascularisation : les activités cardiovasculaires permettent de maintenir une bonne circulation dans la zone blessée et, ce faisant, d’y apporter tout ce qui est nécessaire à sa guérison;
  4. Exercice : Un programme d’exercices spécifiques à la région blessée, progressif, est également démontré comme efficace pour améliorer la fonction et souvent même prévenir la récurrence de la blessure.

L’inflammation : un allié naturel

Le corps humain a évolué pendant des millénaires avec un mécanisme efficace de guérison : l’inflammation. En effet, l’inflammation est une cascade d’événements organisée par notre système immunitaire afin d’acheminer tous les acteurs nécessaires à la guérison vers le site de la blessure. La douleur aiguë qui y est associée, bien que désagréable, est un signal protecteur qui nous empêche d’aggraver la blessure.

Exceptions importantes

Immédiatement après une chirurgie, soulager la douleur reste prioritaire. Une douleur post-opératoire trop intense augmente les risques de développer des douleurs chroniques. Il a également été démontré que la cryothérapie peut contribuer à diminuer l’utilisation de certains médicaments antidouleur, comme les opioïdes (Pain Management Strategies After Anterior Cruciate Ligament Reconstruction: A Systematic Review With Network Meta-analysis, Davey, Martin S. et al., Arthroscopy, volume 37, numéro 4, 1290-1300.e6).

Dans les cas non chirurgicaux, si la douleur est tolérable et que l’enflure n’affecte pas la circulation, limiter la glace et les AINS pourrait favoriser une meilleure récupération.

Finalement, quand appliquer de la glace ou prendre des anti-inflammatoires ?

Pour une blessure aiguë non opératoire :

  • Si la douleur est supportable : évitez la glace et les AINS, car ils pourraient ralentir la guérison.
  • Si la douleur est trop importante et empêche de bouger ou de fonctionner normalement, malgré l’application du PEACE & LOVE, soulager la douleur peut être bénéfique, même si cela ralentit légèrement la guérison.

Chaque blessure est unique. La glace et les anti-inflammatoires peuvent être utiles pour réduire la douleur, mais pas nécessairement pour accélérer la guérison. Le meilleur réflexe ? Consulter un physiothérapeute, qui saura vous guider selon votre situation et vous proposer des stratégies adaptées.

À propos de l’auteur

Dominique Béland
Physiothérapeute
Dominique est physiothérapeute diplômé de l'Université McGill et membre de l'Ordre professionnel de la physiothérapie du Québec. CHAMPS DE PRATIQUE Accidents du travail (CNESST) Accidents de la route (SAAQ) Physiothérapie manuelle orthopédique (thérapie manuelle) Blessures musculosquelettiques (tendinite, bursite, capsulite, entorse, etc.) Physiothérapie sportive, blessures sportives Commotions cérébrales, traumatismes crâniens Réadaptation en oncologie (cancer) Traitement de l'articulation temporo-mandibulaire (ATM), problèmes de mâchoire Arthrite, arthrose Prothèse (hanche, genou, etc.) Soins pré et post-opératoires FORMATIONS CONTINUES Traitement de l'ATM (Formation articulation temporo-mandibulaire: formation…
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